Skip to main content
Skip table of contents

Favoriser la réussite des étudiant·e·s internationaux·ales

Publié le 1er mai 2023

Étudier à l’étranger comporte de nombreux défis, que ce soit sur le plan socioaffectif, financier, logistique, administratif, linguistique ou académique. Si toute la communauté d’accueil est appelée à s’impliquer dans l’intégration des personnes nouvellement arrivées, les enseignant·e·s ont un rôle privilégié à jouer auprès de celles qui se retrouvent dans leur classe.

Dans cet article, vous serez sensibilisé·e·s aux défis que les étudiant·e·s internationaux·ales de l’UQAT sont susceptibles de rencontrer, en particulier dans le cadre de leurs études. Des pistes d’action vous seront également proposées pour vous permettre, comme enseignant·e·s, de les aider à surmonter ces défis ou à aplanir ceux-ci. Certaines stratégies ou pratiques pédagogiques peuvent en effet faire une grande différence dans la réussite de ces étudiant·e·s, et même bénéficier à l’ensemble du groupe.

Pour visionner l’atelier donné à ce sujet le 21 mars 2023, c’est ici.

Contexte régional

À l’année 2022-2023, l’UQAT a accueilli 582 étudiant·e·s internationaux·ales, et ce nombre n’inclut pas les étudiant·e·s issu·e·s de l’immigration ayant leur résidence permanente (par exemple, les programmes en sciences de l'éducation, notamment la maîtrise qualifiante et les certificats en accompagnement à l’enseignement primaire et à l’enseignement secondaire accueillent plusieurs étudiant·e·s nouvellement établi·e·s au Québec, mais non considéré·e·s comme des étudiant·e·s internationaux·ales).

Les profils des étudiant·e·s internationaux·ales sont très variés, mais les tendances suivantes sont notables.

Au premier cycle, les programmes de création et nouveaux médias accueillent un nombre important d'étudiant·e·s français·e·s, qu’ils·elles soient inscrit·e·s de manière régulière ou qu’ils·elles participent à une année d'échange.

Aux cycles supérieurs, les étudiant·e·s du Maghreb et des pays francophones d’Afrique sont particulièrement nombreux·ses dans les programmes de génie.

De manière générale, les personnes nouvellement arrivées en Abitibi-Témiscamingue rencontrent certains obstacles à leur intégration et à leur établissement durable. La Mosaïque (2019), un organisme d’accueil et d’intégration, a recensé les obstacles suivants à Rouyn-Noranda (mais plusieurs sont généralisables à l’ensemble de la région) :

  • Marché du travail offrant moins d’emplois à valeur élevée qu’ailleurs au Québec;

  • Offre de programmes d'études moindre que dans les grands centres;

  • Difficulté à trouver un logement;

  • Difficulté à trouver une place en garderie;

  • Grandes distances à parcourir et offre de transport en commun très limitée;

  • Difficulté d’accès aux soins de santé;

  • Offre alimentaire moins diversifiée que dans les grands centres;

  • Climat rigoureux;

  • Démarches d’immigration complexes;

  • Offre de francisation limitée;

  • Difficulté à intégrer ou à développer un réseau social.

Évidemment, la région comporte aussi des atouts, mais en connaissant les défis que les étudiant·e·s internationaux·ales de l’UQAT ont à surmonter dans diverses sphères de leur vie, vous pourrez mieux contextualiser les défis académiques auxquels ils·elle font face en ayant une vision plus globale de leur vie.

Adaptation culturelle

Quel que soit l’endroit, les différences entre la culture d’origine d’une personne immigrante et la culture de la communauté d’accueil requièrent une adaptation. Les étudiant·e·s internationaux·ales de l’UQAT ne sont donc pas épargné·e·s par le choc culturel et le processus d'acculturation qui caractérisent cette adaptation. À travers ce processus, ils·elles développent leurs compétences interculturelles, mais les membres de la communauté d’accueil doivent faire de même pour parvenir à une réelle inclusion.

Choc culturel

Le choc culturel est un concept qui a été défini par Kalervo Oberg (1960). Il décrit le processus par lequel passe généralement une personne qui séjourne à l'étranger. Les différents stades de ce processus impliquent une fluctuation de son sentiment de bien-être, comme l’illustre la figure ci-dessous.

Figure tirée du site internet du BVE de l’Université Laval

Au début du séjour, le bien-être est grand. C’est l’excitation de la découverte. Quand la routine s’installe, elle s’accompagne souvent d'émotions négatives. La personne est irritée par des éléments de la culture locale, elle s’ennuie de son pays, elle a perdu ses repères et se sent seule. Elle s’adaptera ensuite graduellement, jusqu'à se sentir à l’aise dans sa nouvelle communauté si le séjour est assez long.

Acculturation

Les stratégies d’adaptation mises en œuvre par les personnes immigrantes impliquent une transformation de leur identité culturelle jusqu'à un certain point : usage d’une langue seconde, changements dans les habitudes alimentaires ou vestimentaires, adoption des codes sociaux locaux, etc. Elles impliquent aussi d’entretenir des relations avec les membres de la communauté d’accueil. Le résultat de l’application de ces stratégies dépend donc fortement des dispositions de la communauté d’accueil. Par exemple, une communauté qui ne favorise pas les interactions avec les personnes nouvellement arrivées mènera à de l’exclusion ou de la ségrégation. Si elle ne favorise les interactions qu’avec les personnes ayant fortement adhéré à la culture locale, cela favorisera leur assimilation. Bref, une volonté d’entrer en relation et une acceptation de la diversité culturelle de la part de la communauté d’accueil sont nécessaires pour que les personnes immigrantes puissent s’intégrer.

Figure adaptée de Sam et Berry (2006 : 35)

Compétence interculturelle

Pour que les interactions entre personnes de cultures différentes soient fructueuses, il est essentiel que les parties prenantes développent leur compétence interculturelle. On peut définir la compétence interculturelle comme : « [l]a capacité de comprendre les spécificités d’une situation d’interaction interculturelle et de s’adapter à cette spécificité de manière à produire un comportement qui permette que le message émis soit interprété de la manière souhaitée » (Bartel-Radic, 2009 : 15)​. Cette compétence peut se manifester sur le plan cognitif (conscience culturelle​), affectif (sensibilité interculturelle​) ou comportemental (habiletés interculturelles)​ (Chartofylaka, Odacre et Delcroix, 2021). En d’autres termes, il importe d’apprendre à connaître les autres cultures, de faire preuve d’ouverture et de bienveillance, ainsi que d'être capable d’ajuster ses comportements en conséquence afin d'établir de saines relations entre personnes de cultures différentes.

Défis académiques et pratiques pédagogiques

Les étudiant·e·s internationaux·ales (abrégé ÉI dans le tableau ci-dessous) peuvent faire face à certains défis particuliers dans le cadre de leurs cours (Bérubé et al., 2021). Plusieurs de ces défis sont dus au fait que la culture académique est différente dans leur pays d’origine. Par exemple, dans certaines cultures académiques, poser une question à l’enseignant·e est mal vu puisque cela revient à mettre en doute ses compétences; l’enseignement magistral avec des objectifs de mémorisation est encore dominant dans plusieurs pays; la définition du plagiat n’est pas la même partout; etc. Parfois, les difficultés rencontrées découlent plutôt du contexte éprouvant dans lequel les étudiant·e·s se trouvent (stress d’acculturation, précarité financière, exclusion…). Cela dit, quelle que soit la cause de leurs défis académiques, certaines pratiques pédagogiques peuvent les aider à les surmonter.

Défis

Bonnes pratiques

Méconnaissance des pratiques pédagogiques d’ici (participation en classe, modalités d'évaluation, règles concernant le plagiat…).

Expliciter au maximum ce qui est attendu de la part des étudiant·e·s et ce qui motive vos pratiques pédagogiques. Fournir des exemples.

Réticence à solliciter du soutien.

Intégrer des activités diagnostiques tôt et tout au long de la session pour détecter les problèmes à temps.

Offrir fréquemment de la rétroaction.

Proposer des rencontres plutôt que de leur dire de vous contacter au besoin.

Référer, ou mieux, accompagner les ÉI vers les services de soutien.

Malaise à poser des questions ou à s’exprimer en classe.

Offrir différentes modalités d’expression (ex. télévoteurs, forum de discussion…).

Demander aux étudiant·e·s de préparer à l’avance des questions/interventions pour le cours suivant.

Bien réfléchir à la pertinence et aux modalités des exposés oraux.

Difficulté d’intégration dans les travaux d’équipe.

Former vous-mêmes les équipes.

Faire faire des travaux d’équipe formatifs pour réduire les frictions liées au stress de la note.

Guider et superviser les travaux (De Grandpré : 2013).

Compétences linguistiques en développement.

Parler à un débit permettant la prise de notes.

Ne pas évaluer les compétences linguistiques plus ce que ce qui est requis par les objectifs du cours ou les politiques institutionnelles/départementales.

Prévoir suffisamment de temps pour les examens minutés.

Rendre du contenu accessible en tout temps sur la plateforme du cours.

Ignorance des référents culturels, manque d’identification dans les référents culturels.

Expliquer les référents culturels que vous utilisez.

Offrir des exemples culturellement variés.

Sentiment d’isolement et de différence.

Se montrer accueillant·e, s’intéresser aux ÉI sans mettre sur leurs épaules le fardeau d'expliquer leur culture.

Planifier une activité brise-glace au début du cours.

Leur parler des possibilités d’implication sociales (clubs, associations, etc.).

Ne pas tolérer de blagues ou de propos racistes/xénophobes ou simplement les faisant se sentir différent·e·s (ex. « Ton nom est donc ben dur à prononcer »).

Faire l’effort de bien prononcer leur nom.

Accès difficile à certaines ressources (ex. permis de conduire, véhicule).

S’assurer que tous·tes ont les moyens d’effectuer les travaux du cours (ex. organiser le transport pour un travail de terrain).

Au-delà de ces principes généraux, n’hésitez pas à questionner vos étudiant·e·s sur leur parcours, sur leur niveau d’aisance par rapport à diverses pratiques pédagogiques, sur leurs motivations et leurs aspirations. Ces informations vous permettront d’aiguiller avec plus de précision la planification de vos activités.

Conclusion

En adoptant les pratiques pédagogiques décrites ci-dessus, vous favoriserez non seulement la réussite des étudiant·e·s internationaux·ales, mais aussi celle de plusieurs autres de leurs camarades de classe. En effet, la population étudiante est hétérogène (étudiant·e·s de première génération, à besoins particuliers, parents, à temps partiel, effectuant un retour aux études, autochtones, etc.) et on ne peut prendre pour acquis que tous·tes connaîtront d’emblée les attentes des enseignant·e·s, sauront demander du soutien ou s’exprimer en classe, auront l’habitude de travailler en équipe, etc. C’est parce qu’elles prennent en compte les besoins de toute une diversité d’apprenant·e·s que les pratiques pédagogiques inclusives sont favorables à l’ensemble des étudiant·e·s.

Références

Bartel-Radic, A. (2009). La compétence interculturelle : état de l’art et perspectives. Management international, 13(4), 11-26.

Bérubé, F., Bourassa-Dansereau, C., Frozzini, J., Gélinas-Proulx, A. et Rugira, J.-M. (2021). Les étudiant-e-s internationaux-ales dans le réseau des universités du Québec : pour une meilleure connaissance des interactions en contexte interculturel. Rapport de recherche, UQTR, UQO, UQAR, UQAC, UQAM.

Chartofylaka, L., Odacre, E., et Delcroix, A. (2021). Interculturalité et apprentissage à distance en formation d’enseignantsRevue internationale de pédagogie de l’enseignement supérieur, 37(1).

Cohen-Emerique, M. (1984). Choc culturel et relations interculturelles dans la pratique des travailleurs sociaux. Cahiers de sociologie économique et culturelle, 2(1), 183-218.

Côté, S. (2018). Les perceptions et attitudes des étudiants hôtes de l’Université du Québec à Chicoutimi face à l’intégration des étudiants internationaux [Mémoire de maîtrise, Université du Québec à Chicoutimi].

De Grandpré, M. (2013). Le travail en équipe. Le réseau de l’Université du Québec, page web consultée le 1er mai 2023.

Duchesne, C. (2017). Quelles stratégies d’acculturation de nouveaux enseignants issus de l’immigration privilégient-ils face aux défis culturels et identitaires de leur insertion professionnelle? Canadian Journal of Education / Revue canadienne de l'éducation40(1), 1-24.

Gallais, B., Bikie Bi Nguema, N., Parent, S. J., Turcotte, A., et Roy, A. (2020), Enjeux et défis de l’adaptation, de l’intégration et de la réussite scolaire des étudiants internationaux dans les cégeps et les collèges francophones du Canada: Les cas du Nouveau-Brunswick, de l’Île-du-Prince-Édouard, de la Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine, Jonquière, ÉCOBES – Recherche et transfert.

La Mosaïque, Association interculturelle d’accueil et d’intégration des immigrants en Abitibi-Témiscamingue (2019). Portrait en matière d’attraction et d’établissement durable de personnes immigrantes en région. Rapport commandé par le Ministère de l’Immigration, de la Diversité et de l’Inclusion.

Oberg, K. (1960). Cultural Shock: Adjustment to New Cultural Environments. Practical Anthropology, os-7(4), 177-182.

Sam, D. L., et Berry, J. W. (dir.), (2006). The Cambridge handbook of acculturation psychology. Cambridge, Cambridge University Press.

Rédigé par Caroline Sigouin et Bruno-Philip Richard, conseiller·ère·s pédagogiques

JavaScript errors detected

Please note, these errors can depend on your browser setup.

If this problem persists, please contact our support.